Les parlementaires prennent petit à petit conscience de la puissance que peut avoir leur rôle dans le jeu des institutions républicaines. Tant mieux si un jour ils en prennent suffisamment de la graine pour que l’Etat ne fonctionne plus en boitillant et que s’installe l’équilibre nécessaire entre le législatif et l’exécutif. Les dérives qui conduisent les titulaires du pouvoir législatif à manger dans la main du patron de l’exécutif dérèglent à chaque fois toute l’alchimie du système et ouvrent un boulevard aux tentations d’un glissement vers un régime de dictature.
Le vent de fronde qui souffle actuellement au sein du Conseil Supérieur de la Transition, le CST, qui fait office de Sénat, aurait mérité des suffrages de félicitation en d’autres circonstances. Rappeler au pouvoir exécutif l’obligation de pratiquer la vertu de tempérance s’agissant des finances publiques relève du rôle des parlementaires. Malheureusement dans le cas actuel la démarche entreprise ne correspond pas à une interpellation pour que l’exécutif adopte sinon un comportement d’élévation du moins une retenue, mais ressemble plus à une sommation contre une frilosité de l’exécutif qui se réserve le monopole d’être à la noce alors que le législatif entend lui aussi participer aux bacchanales. 
Certaines critiques relèvent contre cette initiative parlementaire l’inadéquation de l’action actuelle avec le fait que la prétention émane de parlementaires non élus. Cette remarque aurait eu une valeur si d’autres institutions du régime en place avaient puisé légalité et légitimité dans des sources démocratiques. L’Etat fonctionne sur un échafaudage de démocratie virtuelle, et pour que ça marche il faut à chacun à chaque instant faire comme si… alors que ça ne l’est pas, et engoncer le législatif dans des haillons de parlement non élu sans brider à l’égal le pouvoir législatif, ne peut qu’accentuer le déséquilibre d’un système funambule, déjà miraculé pour se maintenir contre les tentatives incessantes de déstabilisation.
La jalousie des parlementaires pourrait à la rigueur s’expliquer mais leur appétit surdimensionné non seulement les prive du minimum d’un quant-à-soi, mais leur a dépouillé du simple instinct de conservation, par excès de pusillanimité ils en finissent par vouloir scier la branche sur laquelle ils sont assis. Le refus d’adopter la « loi de finances » conduirait en effet à bloquer la bonne volonté des contributeurs au financement des élections. Les partenaires financiers ont traîné des pieds avant de signer le Pacem, dans l’attente d’un geste clair du gouvernement en signe de manifestation de volonté à s’acquitter de son écot pour la tenue des élections, la loi de finances étant la matérialisation de cette volonté. Les menaces qui pèsent sur l’adoption de la loi de finances prennent en otage l’organisation des élections. 
Election, le mot magique, que masque le chiffon rouge agité par cette menace. Quelle naïveté de ne pas y avoir pensé plus tôt ! Les « sages » du CST sont sûrement plus malins qu’ils ne veulent le montrer, ce n’est pas au vieux singes que l’on apprend à faire la grimace. Leur mesquinerie du moment a peut-être une visée plus lointaine qu’à satisfaire une gourmandise de l’instant, ils ne seraient pas fâchés d’apprendre un autre renvoi de la date pour la tenue des élections. Un prolongement de 3, 6 voire 12 mois pour continuer à mener un train de sénateur qu’ils n’ont pas mérité par le truchement d’une élection, petit calcul d’apprenti-sorciers et de demi-savants de la politique politicienne.

 Léon Razafitrimo