Crise de confiance il s’agit là d’un déficit, crise de croissance ça concerne un blocage, crise d’urticaire rapporte une pointe paroxysmique : on ne sait plus laquelle choisir pour définir la crise actuelle dans le pays, on a l’impression qu’on les accumule toutes, à part évidemment la crise de rire. Comment du reste qualifier ce tarissement de la capacité à porter en dérision la situation dans laquelle on se trouve, crise d’humour ? Autant cette incapacité plutôt que d’en avoir ri plus de trois ans durant, c’eut été une longue crise de folie ! On traite là d’affaire sérieuse alors trêve de plaisanterie. Tiens plaisanterie, en ce domaine on ne parle pas de crise ! Tout simplement parce que lorsqu’elle tombe à plat, on la traite de bêtise, encore heureux que pour la railler on ignore la crise d’ironie autrement ici on aurait eu droit à une avalanche.
Peut-être que crise d’urticaire correspond le mieux à la situation actuelle. Dans le milieu politique, X fait une poussée d’urticaire à entendre les propos d’Y, et réciproquement et pourtant on ne parvient à faire taire ni l’un ni l’autre. Ils en ont fini des crises à force, sans pour autant être guéris de l’urticaire devenue chronique dans ses accès. 
Les bourses d’études en retard, il faut éteindre le feu à l’intérieur du milieu étudiant en crise, les tarifs de transport en hausse ce n’est pas là que se trouve le sujet de crise, celle-ci révèle dans leur globalité et la régression du pouvoir d’achat et l’écroulement du niveau de vie, encore que ces expressions « régression du pouvoir d’achat et écroulement du niveau de vie » ne transmettent pas toute la détresse due à une situation de brutal appauvrissement. La détresse ne connaît heureusement pas de crise, c’est une situation en elle-même déjà paroxysmique, même si nombreux la vivent sans faire de drame tant elle s’installe de façon silencieuse et banale.
A regarder la situation par la lorgnette du terme « crise », la sortie de crise n’annonce pas une délivrance par rapport à toutes les manifestations de crise. La crise n’est sans doute qu’une étape cyclique du rythme de vie. Il n’est donc pas dans l’ordre naturel des choses qu’une crise s’installe de façon chronique. La misère chronique n’est donc plus la crise, un léger vent de mieux-être aurait été une « crise vers un mieux-être » pour les miséreux, si l’on avait pu qualifier de crise une embellie. D’avoir stagné plus de trois ans dans cette panade on a peut-être fait du Monsieur Jourdain, on est sorti de la crise sans le savoir et sans en avoir pris conscience il est possible que l’on se trouve dans une situation devenue la normale. On espère du changement une embellie, changement qui ne saurait donc être qualifié crise, sauf si l’on chute vers une situation plus dure encore à vivre.

Léon Razafitrimo