Plutôt, c’est le contraire, donc la vie en rose pour les exportateurs de bois de … rose à Singapour et tous ceux qui tirent les ficelles de l’exploitation illicite de cette richesse de Madagascar ! Selon les informations obtenues, une délégation officielle est venue l’année dernière dans ce pays pour confirmer que les 30 000 rondins saisis par les autorités de ce pays ont bel et bien eu une autorisation d’exportation.  En tout cas, les informations à ce sujet sont cette fois-ci bien précises dont une partie émane des instances internationales telles le Cites.

Revenons d’abord sur cette affaire. Une grosse cargaison de ce bois précieux a donc quitté le territoire malgache, après avoir pris les routes communales, provinciales, et nationales pour se trouver au bord de la mer ou sur les quais. Les chefs fokontany, les maires d’une petite centaine de communes rurales et urbaines, les chefs de district, les chefs de région, les directions régionales de l’environnement, de l’écologie, de la mer et des forêts, les autres directions régionales de la sécurité publique – la police nationale donc -, la gendarmerie nationale, les autres autorités locales, et sûrement les milliers de responsables de l’administration centrale dans la Capitale, les différents services de renseignements régionaux et centraux, directeurs généraux, les ministres, le Premier ministre chef  de gouvernement, les conseillers spéciaux et conseillers tout court de la présidence de la République et ouf, le président de la République, sont au courant que ce volumineux et précieux chargement peut passer tous les postes de contrôle et peut être embarqué à bord d’un bateau. Ce qui n’a pas été le cas de la presse, de la société civile, des observateurs et du peuple malgache. Et c’est bien vrai parce qu’il n’y a pas que les journalistes qui scrutent scrupuleusement les décrets pris en Conseil de ministres, et jusqu’ici, on n’a pas eu vent de l’abrogation du décret pris en 2010 stipulant que la coupe, l’exploitation ainsi que l’exportation sont interdites. Apparemment, une mesure exceptionnelle a été prise et d’où la confirmation officielle de l’exportation de ces 30 000 rondins vers Singapour. Du coup, beaucoup demandent à voir, à palper, à caresser, à embrasser, et surtout pas à se torcher le c…  du décret en question. Dans le cas contraire, on ne pourra pas parler d’autorisation officielle, même si les mots sortent de la bouche d’une délégation officielle. Et ailleurs, on appelle cela : « un Etat de droit » !
Du point de vue financier, c’est une très grosse affaire ! On sait qu’en Chine par exemple, le kilo de bois de rose est acheté entre 7 000 à 10 000 ariary et un rondin pèse entre 150 à 250 kilos. On peut même avoir des spécimens de 400 à 500 kilos. Ne soyons pas trop … généreux dans nos calculs et règles de trois mais le résultat obtenu fait bondir de joie jusqu’aux cieux puisque le pactole s’élève jusqu’à 31,5 milliards d’ariary. Il s’agit ici, encore une fois, de se tabler sur les valeurs minimales mais le chiffre donne le vertige. Comparé au budget annuel de la Commune urbaine d’Antananarivo, il suffit ainsi d’un seul envoi du même volume pour que les dirigeants de la Capitale puissent se pencher sérieusement sur le développement de la ville, à commencer par le curage en bonne et due forme des canaux d’évacuation d’eaux usées et d’eaux de pluie, le salaire du personnel au nombre de 3 500 agents et le fonctionnement de l’institution étant assurés. Pour les exportateurs et tous ceux qui tirent les ficelles, c’est la vie de plusieurs générations, jusqu’au « zafindohalika », qui est garantie et à coup sûr, les progénitures peuvent aisément penser à ne pas travailler du tout et à mener une vie de nabab. Tous les jours, c’est farniente, plage, soleil, menu du roi, les belles filles, drogues les plus chères, grosse voiture, belle villa ou château, champagne, etc.
On comprend mieux maintenant pourquoi les rues de la Capitale et les routes nationales sont ornées de 4×4 et de bolides, et pourquoi chaque jour, et non seulement les vendredis, est
…  magnifique. Mais surtout, on comprend aussi pourquoi la très grosse majorité de la population doit trimer comme un fou, selon le terme utilisé par Herbert Léonard qui se produira bientôt chez nous. Enfin, si on en trouve déjà de quoi trimer parce que cela aussi n’est pas évident quand on sait que 70% des jeunes sont au chômage et ce n’est pas faute de diplômes. A y ajouter les 80% des malgaches qui sont dans le milieu rural qui composent en totalité les 95% des habitants de la Grande île vivant sous le seuil de pauvreté. Pour eux, c’est et ce sera, pour plusieurs générations donc, une vie de misère, de dénuement où la faim tenaille le ventre nuit et jour, et où l’insécurité est de tous les instants. Et espérer du régime en place remédier  à cette situation est un simple vœu adressé à « Ambatobevohoka » pour la simple raison que les dirigeants actuels ne savent ni chanter, ni faire des récitations, ni tousser aussi d’ailleurs, comme le disent si bien les mauvaises langues : « Sady tsy hihira no tsy hanao tsianjery, no tsy hikohaka !». Bref, c’est une vie de m… d’une couleur entre gris clair et gris foncé pour ceux qui ne figurent ni dans la catégorie des exportateurs, ni dans celle de « ceux qui tirent les ficelles » !

Jean Luc RAHAGA