Le grand public ne comprend pas grand-chose à tous les spasmes que traversent les différents corps de fonctionnaires, des convulsions en contradiction avec le succès que recueillent à chaque fois les divers concours organisés pour le recrutement d’agents de l’Etat dans toutes les branches pour des postes de toutes les catégories. Dans l’opinion les avis divergent sur les avantages et les limites de la situation faite aux fonctionnaires, la sécurité de l’emploi demeure l’unique qualité que tout le monde reconnaît unanimement à toute carrière dans la Fonction publique. A la question bateau les fonctionnaires sont-ils bien payés ou le contraire, les réponses varient, et les appréciations et perceptions de la situation vont d’une extrême à l’autre, entre « un petit salaire vaut mieux qu’un gros qui demeurera à l’état de rêve », et le sévère « trop payés pour ce qu’ils font », des nuances atténuent d’un côté l’ironie parfois acerbe d’une partie de la population, à la fois qu’elles expriment à d’autres moments un sentiment de solidarité comme pour les grévistes et tempèrent les réactions d’énervement que pourraient provoquer certains désagréments. 
Chacun se fait sa petite idée sur la solde des fonctionnaires, et mêmes les intéressés ne possèdent pas toutes les clés pour en détailler les calculs. Cette semaine, lorsque le Ministre de la Fonction Publique a annoncé l’adoption de nouvelles mesures, des interprétations disparates ont secoué de réactions contradictoires le monde des fonctionnaires. Le public s’étonne que même les plus folles projections consécutives à une application optimiste n’ont pas apaisé les remous dans de nombreux corps de l’administration. Les greffiers ne rétractent pas leurs griffes, les enseignants bougonnent dans les classes où ils ont rejoint leurs postes, ça bourdonne toujours à tous les niveaux dans les hôpitaux, les agents des régies financières adoptent une position de chasseur à l’affût, dans les casernes on affûte les ar…guments de revendication.  
Le Ministre a parlé de grilles et de valeur des points d’indice, ça pourrait être simple mais depuis des décennies les gouvernants qui se sont succédé ont tellement utilisé à l’excès ces leviers pour éteindre les feux à chaque grogne menaçante pour leur pouvoir, que les fils se sont entremêlés que seuls les spécialistes, comptables ou syndicalistes, peuvent les dépatouiller pour en avoir une lecture partielle, voire partiale.
La transition présentait-elle une opportunité pour tout mettre à plat et poser de nouvelles bases ? Des avis diamétralement opposés se heurtent à ce propos, les uns accordant un rôle limité au pouvoir transitoire « celui d’assurer la gestion des affaires courantes » d’autres au contraire à l’opposé estimant que la transition constitue une période favorable aux débats afin d’adopter des solutions réfléchies sur le fonctionnement de l’Etat. Les représentants des fonctionnaires semblent avoir opté pour des combats en ordre dispersé, à chaque corps, à chaque catégorie, ses propres revendications. 
De ces contentieux sociaux sur différents fronts, l’Etat, déjà malmené par les combats politiques, en sort exsangue avant la sortie de la crise. Là se trouve le nœud du drame, croire aux capacités du pays et de la population à rebondir et à entreprendre un redressement en s’appuyant sur un Etat autant émacié que désorganisé, (miankina amin-kazo boboka) et en s’accrochant à un arbre parsemé d’épines (miantsapy amin’ny hazo feno tsilo).

Léon Razafitrimo