Le système Ravalomanana en son temps avait tronqué le principe de la décentralisation, et ainsi trompé le public. Comment en effet faire de la décentralisation en investissant au sommet de chaque collectivité décentralisée des représentants du pouvoir central, centre de gravité naturel de la force encline au centralisme. On ne peut prétendre favoriser une chose en adoptant des moyens contraires. Nombreuses personnes n’ayant aucune sympathie pour l’ère Ravalomanana rechignent pourtant à qualifier cette période de dictatoriale, elles n’ont peut-être pas tort de vouloir y apporter une précision par la nuance : « tendant vers une dérive dictatoriale », et même que « des dérives » au pluriel se prêteraient sans doute à davantage d’objectivité. 
L’homme a manifesté à bien d’égards un net penchant au despotisme, et la fonction aidant a tissé sa pelote de « petit dictateur » en détournant de leur rôle les organes et institutions destinés à muscler la démocratie. 
Les Chefs de Région nommés par le Chef de l’Etat, des « petits patrons » tributaires du « Grand patron » ne sauraient jouer que des rôles de vassaux dans un tel système où ils ne sont redevables de leur bonne fortune qu’au seul bon vouloir d’un homme. Le schéma aurait mérité une lecture différente si l’on y avait mis l’apparence d’une assimilation du poste à une fonction administrative avec des normes pour y accéder, telle par exemple l’appartenance à un corps de l’Etat avec un grade minimum requis. Tel ne fut et n’est toujours pas le cas, on a opéré seulement un coup de force pour installer népotisme et copinage, confisquant ainsi à la décentralisation la démocratie. La déconcentration selon les règles n’aurait pas desservi autant la décentralisation et n’aurait pas réussi pareillement à faire le lit à une dictature rampante. Seulement en considérant le niveau ambiant de rectitude, quand sonne l’heure des moments difficiles, à l’épreuve on risque bien de surprises à devoir décompter davantage de félons que de féaux parmi les vassaux. Les puissants essuient souvent des déconvenues du fait qu’en fonction de leur ego surdimensionné ils oublient une réaction logique : il n’existe pas de raisons particulières pour que les gens que l’on a un jour retournés comme de vulgaires crêpes ne se retournent pas le lendemain à leur prochain moment opportun. 
A bien y regarder, les différents régimes, soit en greffant de nouveaux systèmes en eux-mêmes utiles mais rapidement détournés à servir dans une machine électorale, soit en maintenant ceux-ci dans cette perversion, par de petits faux calculs, alourdissent les charges de l’Etat. Les formules de Cisco et de Chefs de Régions n’ont réussi à faire une belle illustration de service rendu probant ni à l’intérêt public ni à la cause de leurs « seigneurs », tout juste parfois au seul bénéfice de petits profits ou de gros avantages personnels.

Léon Razafitrimo