L’abdication de Marc Ravalomanana, le suspens qu’entretient Andry Rajoelina alimentent en partie les discussions de salon. Dans la rue, à l’intérieur des taxi-be ou sur les marchés, outre des difficultés à la veille des fêtes, les gens parlent volontiers davantage de l’approche inexorable du 21 Décembre 2012, date annoncée comme devant être celle de la fin du monde.
Face à une impuissance à se prémunir contre un tel cataclysme annoncé le bavardage populaire recèle des sources de sagesse et révèle parfois de ravissants  bijoux d’une stupéfiante candeur. Une marchande de brèdes sur les trottoirs tance ses clients, « pourquoi se faire des soucis supplémentaires concernant l’éventualité d’une mort collective, alors que les préoccupations de survie sucent suffisamment toute l’énergie ? Laissez ça à ceux qui en ont les moyens ». Dans un épi-bar (épicerie autant que bar où les buveurs tiennent salon) la discussion s’anime entre ceux qui adhèrent à la théorie sur la proximité de la fin du monde et ceux qui la rejettent, un jeune homme légèrement imbibé élève la voix d’un ton provocateur « si la réalité confirme vos propos, aucun d’entre nous ne sera là pour dire que vous avez vu juste, alors que dans le cas inverse on se retrouvera encore ici et vous n’auriez rien à dire quand moi de votre crédulité je pourrais rire ! Rien qu’à l’idée de pouvoir vérifier demain que j’ai eu raison je préfère aujourd’hui ne pas croire à ces sornettes ». Cette insolente assurance jette le doute dans la petite assistance, alors l’un des compagnons de beuverie s’interroge à propos des inscriptions « 2013 » placardées sur les véhicules de l’ « apôtre » Mayol. Grand prédicateur de l’ « apocalypse » il rejette cette échéance en 2012 puisqu’il affiche une foi inébranlable en un « appel divin » le vouant au destin national de « premier berger du pays » en 2013. L’apocalypse fin 2012 ruinerait ses ambitions déclarées, et ses « dons » et « illuminations » n’ont pas anticipé sur l’apparition de cette prévision différente de sa prédiction et  qui le prend au dépourvu.
D’éminents  scientifiques tentent de communiquer les résultats de leurs recherches qui démontrent l’inanité de ces rumeurs. Pour eux il ne peut s’agir que de rumeurs, alors  la conclusion de leurs études se fonde sur des calculs de projection à partir de l’évolution de l’univers depuis sa genèse. Cependant pour ceux qui prêchent cette « révélation », il est une vérité immanente : rien ne saurait s’opposer à la volonté du Créateur de mettre fin à ce qu’il a créé. Sauf répondent en écho les objecteurs de cette théorie du 21 Décembre 2012, qu’il ne s’agit ni de prophétie ni de révélation quelconque mais d’une exploitation à partir d’un aboutissement de calculs astrologiques des Mayas, si savants que fussent ces calculs, la science moderne possède compétence et capacité à en  apporter un démenti.
Les pays et les gens y réagissent selon leur culture et selon leurs moyens. Aux Etats-Unis si la majorité ne se fait pas un souci de cette proche fin du monde, l’esprit marchand n’a pas raté pareille occasion pour vendre à prix d’or le droit de s’exiler avec réserves d’aliments et de loisirs  pour un an dans des abris contre « la fin des temps ». En pays de la pauvreté même ceux qui penchent à y croire, sont réduits à s’en remettre à la seule fatalité ou à la seule bienveillance divine. Alors que ni l’état de pauvreté ni les coupables comportements des classes dirigeantes ne les ont épargnées d’aucune difficulté pourquoi ces populations iront-elles se charger de problèmes supplémentaires en cette fin d’année ? Les plus crédules eux-mêmes ne lâchent pas prise pour assurer le basique d’une implacable survie, prévoyants ils n’entendent pas être pris de court dans l’éventualité d’un encore demain que sera demain.

Léon Razafitrimo