Après le décès du leader du groupe Sengemanana survenu en 2000, le groupe Senge a comme disparu. C’est ce groupe qui a permis la reconnaissance internationale des rites du Sud, pour la première fois avec le prix Découverte RFI Afrique en 1999. Parlons de ce groupe mythique qui a tellement apporté sa contribution à la bonne musique du Sud. Les voix s’entrelacent, jouent les unes avec les autres, se séparent puis fusionnent avant de repartir vers des rivages africains. Leur message est d’autant plus fort qu’ils viennent d’une zone où le taux d’illettrisme est particulièrement élevé, où les conditions de vie sont difficiles et dont les habitants sont souvent méprisés.
Dans le groupe Salala, fondé en 1983 avec deux amis d’enfance, le groupe obtient un réel succès sur la Grande Ile où il reçoit le grand prix des médias Gasitsara décerné à la meilleure formation de l’année. Mais ils savent aussi dépasser leur rôle de chantre de la tradition pour se tourner vers le monde moderne. Les trois chanteurs enregistrent un album et se produisent en France, au festival Africolor et au Printemps de Bourges. Après la tournée en Allemagne réunissant de nombreux artistes malgaches, Sengemanana se sépare de ses acolytes et sort un album solo avant de former une nouvelle équipe avec Yvon Mamisolofo et Jean Ramanambintana, tous deux chanteurs et danseurs traditionnels.
Senge a donc décidé de s’appuyer sur le patrimoine culturel de sa communauté pour en être le porte-parole. Dans la continuité de ce que faisait Salala, il s’appuie sur le beko, élément fondamental de l’identité Antandroy et sommet de leur art vocal. Ces polyphonies a cappella à deux ou trois voix qui se chantent à différentes occasions ont un rôle particulier lors des funérailles. Ce gospel qui guérit les âmes, libère aussi des mauvais esprits dans sa variante appelée sabo, un genre que Senge affectionne tout autant. Grace aux prix Rfi, le groupe a pu se produire en Allemagne et en Suède mais aussi dans les festivals folks, en Suède, en Allemagne, en Espagne, en Hongrie ou aux Etats-Unis. Après la disparition du leader, Jean et Yvon, membre du Global Vocal Meeting, un collectif regroupant des artistes internationaux, ont depuis décidé de poursuivre en duo et de continuer à faire vivre l’esprit de Senge en utilisant davantage les percussions et la kabosy, guitare traditionnelle malgache à quatre cordes, tout en développant de nouveaux styles vocaux.

Recueillis par Nirina Rasoanaivo