Pareil que chez Guignol, les scènes les plus attendues créent des réactions vives comme si c’étaient des surprises, et les plus simplement cocasses suscitent grand effroi ou réel soulagement. C’est que  là-bas il s’agit d’un public d’enfants, ce qui n’est pas le cas ici. Il faut peut-être expliquer cette candeur des acteurs politiques par le fait que les quatre années de crise ont eu raison de leur sens de la réalité. A force d’avoir voulu mystifier l’opinion concernant une légitimité dans le rôle dont ils se sont investis, nombreux ont fini par s’y croire. Rares sont ceux qui ont gardé conscience de la situation non démocratique d’un système qui les a faits ducs ou barons. Rien qu’à voir ou à entendre ces « parlementaires » qui se prenaient au sérieux à ânonner des leçons mal apprises dans des rôles de donneurs de leçons, on ne pouvaient que se convaincre de leur état de pantomimes et d’un spectacle d’une ridicule pantalonnade. Les réveils n’en sont que plus durs, la Transition éclate comme un fruit devenu blet avant d’avoir été mûr à point. La situation n’épargne aucun camp, tant tenants du pouvoir ni opposants. 
Maintenant qu’arrive le temps de revenir ne serait-ce qu’à un semblant de démocratie, il ne peut en être autrement, les voilà tous à la peine à la recherche de repères. Faut-il croire en une possibilité de recomposition de cette classe en pleine décomposition ? On risquerait gros à vouloir généraliser, de toute façon il faut faire avec le personnel qui est, il y en a sûrement l’un ou l’autre ayant manifesté des signes de résistance à la contamination. A priori ceux qui se présentent ont la prétention de sortir indemnes de cette période sans gloire, encore leur faut-il le prouver de si tôt. Le public guette avec attention la nouvelle composition des camps qui se forment, et c’est avec une gourmandise pleine de cynisme qu’il se délecte à commenter les alliances. Les offres de service affluent dans les QG des différents candidats. Evidemment que l’idéal pour chacun serait de réunir le maximum de soutien, mais là aussi se trouvent  déjà les premiers pièges. Dans le lot il est plus de repoussoirs que de fédérateurs de suffrages. Chacun possède plus d’un personnage rédhibitoire dans son collimateur, et beaucoup ne donneraient pas leurs voix à tel candidat qui leur a paru parmi les plus qualifiés, mais qui a perdu de son crédit en s’acoquinant avec tel ou tel individu trop sale pour en espérer un rachat d’une nouvelle honnêteté. Il existe dans ce panier de vraies infections qui menacent de contaminer tout ce qu’elles approchent et d’empester l’atmosphère alentour. Le public se méfie, les candidats le devraient davantage.

Léon Razafitrimo