S’il faut compter sur les dirigeants malgaches pour prendre une réelle décision sur cette affaire, on peut toujours rêver. Contre toute attente, c’est la partie chinoise qui a décidé unilatéralement d’arrêter momentanément l’exploitation aurifère de Soamahamanina, le temps de comprendre. Et l’initiative vient directement de l’Ambassade de la République Populaire de Chine à Madagascar !

Ailleurs, on appelle cela tout simplement un désaveu de l’administration publique du pays qui n’a pas tenu compte des réalités économiques, politiques, environnementales, et même ancestrales de ce petit coin calme de l’Itasy. Effectivement, l’Office national de l’environnement (One) qui a délivré le permis environnemental de cette exploitation de Soamahamanina  n’avait vraiment rien à f… du « Ala tapia » qui tapisse cette région. Rakotoary Jean-Chrysostome, inamovible directeur général de l’One depuis trop longtemps, n’a que faire de la mission première de cet organisme rattaché au ministère de l’Environnement, de l’écologie et des forêts  (Meef) : « prévention des risques environnementaux dans les investissements publics et privés et lutte contre les pollutions » et a complètement oublié que cette forêt est unique au monde.  Bizarrement, ce ministère se cloître dans un silence absolu depuis le début de cette affaire et Johanita Ndahimananjara a tout simplement adopté la ligne de conduite adoptée par son prédécesseur, l’ancien directeur exécutif de la fondation des aires protégées et de la biodiversité de Madagascar. Curieusement, on a affaire à de nombreux environnementalistes dans ce cas de Soamahamanina et les observateurs estiment ainsi normal de constater que les nombreux programmes de protection de l’environnement (PEI, PEII, PEIII ainsi que le dernier fonds additionnel de 52 millions de dollars Us) n’ont pas emmené les résultats escomptés. Il faut savoir que nos parcs nationaux sont actuellement bien … braconnés – trafic de bois précieux et à la fin de la semaine dernière, on a parlé de 260 tortues trouvées à l’aéroport international d’Ivato – et que des milliers d’hectares de forêts partent en fumée chaque année.

Machine en arrière

De son côté, le ministère auprès de la présidence en charge des mines et du pétrole qui a donné l’autorisation de l’exploitation, n’a rien trouvé … d’anormal dans le dossier de Soamahamanina, selon son ministre Zafilahy Ying Vah. En somme, ce dernier ainsi que les dirigeants de cette IVème République, trouvent donc normal à ce que des rizières, des « vohitra », des tombes, la rivière d’Ikalariana, le lac d’Itasy, mais aussi et encore une fois, le « Ala tapia » qui, rappelons-le, est une source de revenus permanente pour la population d’Imamo, deviennent dans très peu de temps du … « tany mena tsy mirehitra » !

Ainsi, la population toute entière de la Grande île est indignée, ainsi que la communauté française et internationale qui apprécie particulièrement cette région. Par contre, personne ne s’attendait à ce que le dernier rempart se lève et ce n’est pas du tout la grande muette. Il s’agit de l’Eglise Catholique qui non seulement défend habituellement les opprimés et les pauvres, mais surtout est ahurie par le comportement des autorités concernées de près et de loin par l’exploitation de Soamahamanina.

Et devant tous ces paramètres à gérer, la partie chinoise a préféré faire machine arrière, ne serait-ce que le temps d’une réflexion. D’ailleurs, on ne peut pas se permettre de mettre sur la balance une amitié vieille de plus de 40 ans.

Bref, sans l’initiative prise par l’Ambassade de la République Populaire de Chine par l’intermédiaire de son ambassadeur à Madagascar (voir page 6), le pays ira droit vers des conflits internes dignes de ce qui se passe actuellement au RDC ou en Centrafrique.

Luc Matthieu