Le qualificatif d’anti-français est un cliché qui colle mal à la réalité de nos relations avec l’ex-puissance coloniale. En fait, les deux seuls moments où les Français installés dans l’Ile avaient eu quelque raison de craindre une flambée de violence nationaliste, c’était en 1895 après la conquête, et en 1947. Mais la France était alors en pleine guerre de pacification, et les Malgaches se considéraient comme en état de légitime défense. Les mouvements de reconquête de la souveraineté en 72, 91, 2002 et 2009 sont les étapes d’un processus politique et historique, destiné à construire un Etat-Nation unitaire, démocratique et prospère, qui a nécessité de briser les chaînes du néocolonialisme de la Françafrique.

Rappelons pour mémoire que 72 avait comme objectif la démocratisation de l’enseignement, et la maîtrise populaire du développement formulée sous le slogan de malgachisation. En 91, c’était la libéralisation économique, mais surtout la démocratisation politique, après 15 ans d’autocratie socialiste. 2002, c’était l’alternance politique entre les ressortissants des différentes régions de l’île, l’insertion dans la globalisation, et la régionalisation qui nous a du coup permis de repenser la politique de notre géographie par l’adhésion à la SADC, ce qui n’a pas manqué de susciter en Métropole les inquiétudes de la vieille garde nostalgique de la gloire coloniale. 2009, c’est l’opposition à une autorité de fait illégale et illégitime, adossée à une répression militaire sans discernement, ainsi que le retour à l’ordre constitutionnel avec comme perspectives la normalisation démocratique et la refondation de la République.

A aucun moment au cours de ces périodes de remise en cause et de bouleversement, la vie d’aucun ressortissant français n’a été menacée. Seuls les plus paranoïaques d’entre eux ont eu à craindre pour leur sécurité. Aucun Français n’a eu à subir, ni violence, ni humiliation. Depuis, les Français craignent plus les dérives et le manque de discernement des prédateurs au pouvoir que le mouvement pour le retour à la normalité constitutionnelle.

Somme toute, le Malgache est un politicien dans la peau – au sens noble du terme –. Pour cela, le colonialisme l’a stigmatisé en l’accusant de fourberie et d’hypocrisie. Mais cela l’a toujours préservé des flambées de violence anti-française qu’on retrouve dans d’autres ex-colonies, malgré des tentatives connues pour mettre de l’huile sur le feu. En tout cas, dans notre effort de construire un Etat moderne, débarrassé des fantômes tutélaires d’une mère-patrie, une réflexion plus approfondie doit être menée dans ce pays, pour effacer des schémas de pensée infantilisants qui tendent à émousser l’esprit critique et à occulter le débat sur les réalités de nos relations avec l’Hexagone.

Solo Rabefiringa