Devant les pressions internationales sur les acteurs politiques malgaches, les discours souverainistes fleurissent actuellement. Certaines entités politiques en profitent même pour ratisser large chez une politique dont le souvenir de la période coloniale est encore vivace un demi-siècle après l’acquisition de l’indépendance. Celles-ci assimilent l’actuelle intervention de la communauté internationale dans la résolution de la crise politique non seulement comme une ingérence éhontée mais plus largement comme une tentative à peine voilée d’un néocolonialisme. Pas plus tard qu’hier, le groupuscule Otrikafo a fait sienne cette idéologie souverainiste en avançant qu’« aujourd’hui, tout le monde est unanime sur le fait que les envahisseurs néo-colonialistes (le Gic, la Sadc …) cessent de n’être qu’une simple menace devant nos portes car ils sont dorénavant dans nos murs. En effet les sept points du Gic-M achèvent de refaire de Madagascar un protectorat comme en 1895. A l’époque c’était la France qui nous dictait notre politique étrangère, nos relations commerciales, notre défense nationale ». Bien entendu, les calculs politiques ne sont pas toujours loin et au détour des discours, les « souverainistes » utilisent les actions de la communauté internationale pour fustiger les adversaires politiques. Cette nouvelle stratégie n’est pas l’apanage des seuls groupuscules en mal de soutien populaire. Les grandes tendances politiques actuelles l’utilisent aussi pour mieux défendre leurs positions politiques. Pour la mouvance Ravalomanana, l’ingérence de la communauté internationale est inacceptable. On fustige notamment la France en prenant soin de rappeler qu’elle a été le pays qui a colonisé la Grande Ile durant un demi-siècle.

Fracture

De même, les mêmes discours sont également soutenus par les entités qui soutiennent l’actuel Président de la Transition. Andry Rajoelina lui-même n’a pas manqué plusieurs fois de rappeler qu’en tant que chef de l’Etat, il est de son devoir de défendre la souveraineté du pays devant le concert des nations. Ce n’est pas par hasard que les médias publics diffusent à longueur de journée des hymnes nationalistes. L’objectif est clair : susciter la fierté nationale et le reflexe souverainiste devant les exigences de la médiation internationale. Faute de sondage fiable, il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces discours souverainistes chez la population. Mais il semble bien qu’ils trouvent un écho favorable chez les partisans des différentes entités politiques qui soutiennent l’idéologie. Quand à la majorité des Malgaches, il est très difficile de soutenir qu’elle est sensible à cette vision politique, d’autant que les enquêtes scientifiques de ces derniers temps soulignent une fracture entre les acteurs – ceux qui soutiennent ce discours souverainistes – et les gouvernés préoccupés par leur quotidien toujours difficiles.

L. Denis Alexandre