Il était clair depuis assez longtemps que les dirigeants malgaches vendaient et louaient nos terres aux premiers étrangers venus avec un portefeuille. Toutefois, le classement établi par « Thinking Africa » laisse perplexe : Madagascar brade ses terres.

Pour une fois, Madagascar parvient à se hisser à une première place, celle du classement établi par Thinking Africa, mais ce n’est pas pour autant que les malgaches doivent se réjouir. Ce classement concerne en effet les pays qui accordent le plus de terres à des investisseurs étrangers. Ce classement a été réalisé par des chercheurs, des universitaires et des experts et cela à travers des données récoltés auprès des institutions des pays concerné par des études nationales mais aussi d’organisations telles que l’Union Africaine, les Nations Unies ou la Banque mondiale. Ces chercheurs et experts se sont regroupés dans un Think Tank et ont pu élaborer ce classement qui semble signifier énormément pour notre pays. Il faut souligner que l’ordre des pays a été fait en fonction de la superficie de leurs terres arables cédées aux investisseurs étrangers et ce depuis l’an 2000, soit près de 16 ans déjà. Ventes et locations confondues, Madagascar aurait cédé selon cette étude 3,7 millions d’hectares de terre cultivable et fertile sur 16 ans. Suivi de l’Ethiopie avec 3,2 millions d’hectares, la République démocratique du Congo avec 2,8 millions d’hectares, la Tanzanie avec 2 millions d’hectares, et le Soudan avec 1,6 million d’hectares. Or, selon un récent inventaire de l’Etat, il y aurait quelques 5 millions d’hectares de terrains domaniaux disponible à Madagascar. Bien évidemment, sur les 3,7 millions qui ont fait de Madagascar le premier pays africain à brader ses terres, il y en a surement quelques uns qui appartenaient à des particuliers, des propriétés privées.

Point de vue

Mais dans le cas contraire, sur 5 millions d’hectares de terrains domaniaux, si 3,7 millions d’hectares ont déjà été cédé à des étrangers sur seulement 16 ans, le calcul est vite fait et d’ici peu, l’Etat malgache n’aura plus un seul hectare de terrain. Les points de vue diffèrent concernant les interprétations à donner à ce résultat car si certains essaient de relativiser la chose, il est aussi important de voir la réalité en face. Le fait est que Thinking Africa a accompagné cet études du classement des investisseurs ayant les plus accéder à la propriété foncière en Afrique et les chinois sont arrivés en tête avec environ 4,5 millions d’hectares acquis plus ou moins sur la même période. Et la présence chinoise à Madagascar semble s’être fortement accrue ces dernières années, surtout lorsqu’on parle d’investissement et non de tourisme. On peut aisément penser que ces chinois possèdent la majorité des 3,7 millions d’hectares à Madagascar. Ceci vu que les seconds au classement des investisseurs propriétaires en Afrique sont américains, britanniques et Malaisiens. Or, la présence de ces derniers sur nos terres reste peu considérable encore. Pour en revenir à ce classement, certains voudraient voir en la chose une opportunité d’user des capitaux étrangers pour réellement lancer le développement économique des pays concernés. Pourtant, le fait est que selon les réalisateurs de cette étude, il s’agit d’« un choix cornélien, une mainmise de l’étranger sur une partie du patrimoine qui constitue indubitablement une aliénation, une perte de souveraineté, (…) un véritable accaparement « honteux » de terres agricoles qui pourraient être mises en valeur par d’autres moyens ». Il en est ainsi du cas de Madagascar compte tenu des pratiques que l’on observe chez nous. De nombreux paysans sont tout simplement expulsés et dépossédés de leurs biens au profit d’étrangers avec l’accord de l’Etat. Ainsi, il apparait maintenant clair et à la vue du monde entier que les dirigeants chez nous vendent et donnent la terre aux étrangers.

Régis Kabary