A notre connaissance, c’est le premier charnier découvert à Madagascar et selon les estimations de la population locale, il pourrait dater de la crise de 2002 qui a opposé les troupes de Marc Ravalomanana avec ses « zana-dambo » à celles de Didier Ratsiraka. On se rappelle que les premières n’ont pas fait dans la dentelle et étaient même célèbres par leur cruauté. Pourquoi ne pas poser la question aux intéressés puisqu’ils sont tous ici ? Nos ancêtres appellent ça : « nasesiky ny razana » !

Un charnier contenant plusieurs ossements humains a été découvert avant-hier sur la plage d’Ampandrozonana, là où un bébé baleine a échoué le 15 août dernier. Ce sont des chercheurs de sable qui ont fait cette découverte macabre et alerté les forces de l’ordre. Le bruit a vite fait le tour de la petite ville et finalement, ce sont les journalistes qui étaient arrivés en premier sur le site. Il faut comprendre les forces de l’ordre de chez nous qui apparemment, font face aussi à une grande difficulté dans l’exécution de leurs responsabilités. Quand on sait qu’actuellement dans les ministères centraux sis dans la Capitale, les agents de l’administration publique cotisent pour acheter une rame de papier afin de répondre aux sollicitations des citoyens, la situation n’est donc pas simple du tout dans les régions.
Mais une chose est sûre : le début de cette affaire ne pouvait pas dater de la dernière crise de 2009 pour plusieurs raisons. Primo, il n’y avait plus aucun lambeau de peau sur les os qui sont bien blanchis. Sans être médecin légiste, des traces de chairs auraient encore dû être bien visibles, même en l’espace de 6 ans. Et puis, aucune confrontation, ni exaction n’a été perpétrée dans cette région de l’île lors de la révolution orange puisque, rappelons-le, l’ancien président a pris ses jambes à son cou après avoir passé le pouvoir à la Directoire militaire composée de trois généraux.

Semé la terreur
Pour Sambava, l’incendie du magasin « Magro » local a largement suffi à la population locale pour exprimer son dégoût du régime de Marc Ravalomanana, comme c’était le cas dans la Capitale et à Toamasina. D’un autre côté, les premières réactions à chaud enregistrées sur place parlent de probables restes des personnes disparues au cours de l’évènement 2002 qui a opposé les forces restées « loyales » au régime en place, c’est-à-dire celui de Didier Ratsiraka ainsi que ses partisans qui étaient encore très nombreux dans les autres provinces de Madagascar, aux « zana-dambo » de Marc Ravalomanana. Rappelons-le aussi, ce dernier s’est autoproclamé élu au premier tour lors de la présidentielle de fin 2001 et a procédé à son premier investiture le 22 février 2002. Du coup, beaucoup se souviennent de la férocité de ces « zana-dambo » – leur nom est tiré du celui de leur chef : le général Razafindralambo Olive ou « Lambo be » – qui partout où ils étaient passés, ont semé la terreur. En passant, les observateurs estiment que c’est à ce moment-là que les dirigeants ont commencé à perdre le sens du dialogue, une valeur  prônée par la culture malgache. Dans la partie nord de l’île, de grandes batailles militaires se sont déroulées dont le plus célèbre est celle d’Ambilomagôdro, et dans la Région de la Sava, les « zana-dambo » auraient commis des atrocités, selon certains habitants. Par la suite, de nombreux militaires, fonctionnaires, et partisans de l’Amiral rouge ont été envoyés en prison si d’autres ont été déclarés disparus. Apparemment, certains d’entre eux auraient été tués et leurs corps ont été jetés dans ce charnier.
Du coup, les mêmes observateurs exigent l’ouverture d’une enquête sérieuse et profonde puisqu’il pourrait s’agir d’un crime contre l’humanité et si les dates coïncideront avec les réactions de la population locale, des questions devront être posées aux premiers responsables, c’est-à-dire aux protagonistes de 2002. Ces derniers se trouvent justement au pays. Mais beaucoup redoutent que tout cela finira en queue de poisson puisque pour le cas de la tuerie d’Ambohitsorohitra, le 07 février 2009, certains témoignages parlent d’un camion qui aurait ramassé des corps dont jusqu’ici, personne ne sait où ils se trouvent.

Vladimir Ilitch H.