Les Malgaches attendent la manne venue du ciel, cela n’a jamais été aussi vrai que dans la situation actuelle du pays. Si dans les hautes sphères de l’Etat, on reprend toujours ce refrain d’un prochain développement, dans les bas quartiers de la capitale et dans les régions de l’île, on prie chaque jour pour pouvoir trouver de quoi payer la nourriture d’hier. Les Malgaches ne vivent carrément plus au jour le jour mais au jour d’hier tant la pauvreté sévit. Le problème réside dans le fait que les tenants du pouvoir et de l’argent du pays, car les deux font la paire, ont décidé de ne plus voir la réalité en face. Aussi ont-ils décidé que la population qui ne vit qu’avec moins de 1,25 dollar par jour et qui ne peut manger qu’une fois dans la journée n’existe désormais plus. C’est d’ailleurs l’une des décisions phares du sommet de la Francophonie qui démarrera bientôt. D’où cette décision de suspendre la circulation des pousse-pousse et des charrettes durant ce rendez-vous international. Afin que les invités de marque de ce sommet soient dans le même état d’esprit que les dirigeants actuels qui ont à cœur ce rendez-vous. Mais que se passerait-il alors s’il pleuvait durant le 16^ème sommet de la Francophonie ?

Soyons positif, cela résoudrait l’éternel problème de la région sud de la Grande île concernant la sècheresse. Une sècheresse qui fait la misère de cette population depuis des années déjà et qui s’est aggravée cette année avec le phénomène El Niño. Aussi, ce serait une vraie bénédiction du ciel que la pluie tombe la semaine prochaine. On pourrait également espérer une baisse des températures qui sont déjà insupportables en ce moment même. Mais comme le bonheur des uns peut faire le malheur des autres, ce seront les organisateurs du 16^ème sommet de la Francophonie et l’Etat qui seront déçus. En effet, après s’être donné tant et tant de mal pour les préparatifs, une pluie gâcherait tout. Pourquoi ? On ne sait que trop que dans la ville des mille, lorsque la pluie tombe, les ordures font surface et les rues sont inondées. En clair, la réalité reprend le dessus et ce sera le cas lorsque ces invités du 16^ème sommet verront des gens qui essaient de se faire quelques sous en prenant les autres sur leurs dos ou lorsque les charrettes referont leur apparition.

Malgré le fait qu’en ce moment, les habitants de la capitale subissent encore plus intensément le délestage, peut-être parce que la Jirama économise son carburant pour le village d’Andohatapenaka, on espère que la pluie ne viendra pas non plus tout gâcher. En effet, à chaque fois qu’il y a une petite averse sur Antananarivo, la société Jirama a pour rituel d’en profiter pour couper le courant. Les organisateurs pourraient commencer à prier le ciel afin que cette société d’Etat n’en fasse pas des siennes encore. Car même si le courant marche toujours à Andohatapenaka, on verra de là-bas que la capitale est dans le noir le plus total. Quoi que ce serait une belle occasion à ne pas manquer pour la Jirama de mettre la pression sur l’Etat afin que celui-ci augmente la subvention de 300 milliards d’Ariary déjà allouée et que la quantité de carburants à voler soit revue à la hausse.

En fin de compte, il est vrai que chacun pourra tirer profit de la tenue de ce 16^ème sommet de la Francophonie dans la capitale malgache. Au-delà des enjeux politiques et économiques que l’on ne cesse de rabâcher dans les oreilles des malgaches, la population, elle, a la chance d’exposer aux yeux du monde la réalité malgache. Un développement à deux vitesses avec d’un côté des V8 qui paraderont dans la ville et de l’autre des pousse-pousse qui écoperont d’une amende au moindre geste. D’un côté, un village qui sera éclairé par des millions et des millions de lumières et de l’autre des régions affamées, asséchées sur lesquelles l’Etat n’a jamais eu de regard franc et envisagé de solutions pérennes. D’un côté, un régime qui veut et cherche à bien faire et à bien plaire et de l’autre une population qui sera interdite de chercher de quoi manger. Non mais sérieusement, s’il pleuvait ?

Ny Aina Rahaga