Jean Valjean, le personnage principal du roman de Victor Hugo « Les misérables », est né dans une famille de pauvres paysans de la Brie en 1769. Il a perdu ses parents quand il était jeune et c’est sa sœur Jeanne qui l’a élevé. Dans l’histoire de Victor Hugo, à 25 ans, Jean Valjean se retrouve avec une famille à nourrir et ce après la mort de son beau frère. Sa sœur a alors sept enfants, le plus jeune un an et le plus âgé, huit. A 26 ans, en 1795, un hiver très froid entraîne la famille Valjean dans la disette. Victor Hugo écrit alors qu’« un dimanche soir, Maubert Isabeau, boulanger sur la place de l’église, à Faverolles, se disposait à se coucher, lorsqu’il entendit un coup violent dans la devanture grillée et vitrée de sa boutique. Il arriva à temps pour voir un bras passé à travers un trou fait d’un coup de poing dans la grille et dans la vitre. Le bras saisit un pain et l’emporta. Isabeau sortit en hâte ; le voleur s’enfuyait à toutes jambes : Isabeau courut après lui et l’arrêta. Le voleur avait jeté le pain, mais il avait encore le bras ensanglanté. C’était Jean Valjean. » Pour un vol de pain, il fut alors condamné à cinq ans de bagnes.

La pauvreté à Madagascar affecte officiellement 71% de la population selon les dernières enquêtes de l’Institut National de la Statistique. Mais en tenant compte du seuil international de pauvreté fixé à 2 euros par jour, 92% de la population se trouvent concernés. Dans le dernier rapport publié en mars par la Banque mondiale intitulé « Visages de la pauvreté à Madagascar », le plus haut niveau de pauvreté est enregistré dans la province de Fianarantsoa avec 76,6% vivant dans l’extrême pauvreté contre 47,2% dans la province d’Antananarivo, le plus bas. Près de 80% de la population vivent en milieu rural où la misère est presque deux fois plus élevée qu’en secteur urbain. Les ruraux qui travaillent généralement dans le secteur agricole possèdent moins de terre pour pouvoir développer leurs activités et n’ont pas accès aux technologies et intrants modernes. Les conséquences en sont l’insuffisance alimentaire, une santé précaire du paysan, la baisse de sa capacité à travailler et une insuffisance de revenu. Le contraste entre riches et pauvres à Antananarivo, la Capitale, est flagrant où une minorité de classe moyenne cache la réalité de la pauvreté dans la capitale, où une majorité vit dans des conditions très vulnérables. Le rapport estime que pour pouvoir contribuer à l’éradication de la pauvreté, la croissance économique devrait atteindre 7 à 8%. Or la loi de finances et les prévisions des tenants du pouvoir peinent à dépasser les 3%.

Avec tout cela, on ne saurait donner tort à celui ou celle qui vole de bonne foi un pain ou de la nourriture afin de survivre encore une journée à Madagascar. Certes, « voler de bonne foi » revêt un sens un peu contradictoire mais lorsqu’il s’agit de subsistance, les principes de l’humanité priment sur tous les autres. Nombreux sont les Jean Valjean malgré eux en ces temps de misère à Madagascar, que ce soit dans la Capitale ou ailleurs. Et nombreux sont ceux qui font les frais de la misère, à être lynchés pour une volaille ou un œuf. Ce qui n’a vraiment rien à voir avec les actes de grand banditisme. Ce n’est pas tant que l’on prenne le parti des voleurs et cambrioleurs mais de ceux-là qui luttent pour survivre face à une société qui ne donne pour l’instant aucune chance aux plus démunis. « Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles » peut-on lire avant l’histoire des Misérables de Victor Hugo, et des misérables il y en a ici bas.

Ny Aina Rahaga