De désillusion en désillusion la population a fini par chuter dans la désunion. Incurable crédulité pourrait-on croire, ce qui ne serait pas faux si on y accole un pendant, l’indécrottable comportement de faire de la politique. De l’unité nationale, à l’instar de la porcelaine, aussi fine qu’elle est fragile, le moindre coup, de la force d’une pichenette, suffit à la fendre, et quand elle se fendille on n’en compte plus les lézardes. Maintenant après toutes les désillusions, la population est guérie des illusions, elle a fini de croire. 
On lui annonce le temps de réconciliation, qu’elle rit sous cape. L’entreprise de réconciliation n’a pas débuté, on n’en est encore qu’aux phases préparatoires que pointe la désunion. La réconciliation selon la bible de la feuille de route d’un côté, et la réconciliation ainsi que l’influence Zafy la conçoit de l’autre. Ce schéma aurait pu alerter l’équipe des représentants de la Société Civile en charge d’agencer les structures prévues par la feuille de route pour mener à bien cette Réconciliation. Il fallait réussir à mettre d’aplomb et à l’équerre la Commission afin de la mettre à l’abri de toute critique et de marquer des points pour faire la différence avec l’initiative concurrente déjà distancée en raison de son retard au démarrage. 
Certes le public ne s’est pas bercé d’illusion, mais la réserve n’autorisait pas pour autant de manifester un sérieux doute qui se serait traduit par un procès d’intention. Une hâte mal contenue de nombre de Raiamandreny à vouloir intégrer le comité de préparation aurait pu paraître suspecte, alors que quelques-uns auraient pu se disqualifier d’eux-mêmes pour avoir subi l’échec par leur participation à d’autres initiatives de médiation.
Chasser le naturel, il revient au galop. On peut s’interroger si ce n’est en raison d’une absence d’étanchéité entre la classe politique et les « bénévoles » très engagés dans la société civile que les mœurs d’un côté ont par trop phagocyté les pratiques de l’autre. A l’évidence entre les us d’un côté et de l’autre  existent plus d’une similitude dans l’approche des affaires publiques : « charité bien ordonnée commence par soi ». 
Le pays souffre de clivages, et les guérisseurs n’ont de cesse d’en créer de nouveaux. La tendance d’un moment qui voulait écarter systématiquement  les aînés s’étant rapidement fourvoyée, tout autant réactionnaire que cette fatuité précédente la prétention à remettre en selle des chevaux de retour uniquement en raison d’un âge avancé comme critère suffisant en garantie d’une sagacité ne cumule pas toutes les chances de réussite. La composition de la Commission pour la Réconciliation Malgache risque de mettre la population sur une réserve, alors que la Réconciliation avec une majuscule se décline en plusieurs réconciliations qui ne sont pas minuscules pour autant, la première étant de réconcilier le peuple avec la classe des « dirigeants » en qui elle a perdu toute confiance. Une série de questionnements s’enchaîne lorsque l’on parle de développement, le seul objectif qui intéresse : le développement requiert l’effort de l’ensemble, quel élan de tous peut-on soulever sans faire naître l’espoir ? Quel espoir là où n’existe pas la confiance ? Aucune entreprise de réconciliation ne saurait prétendre atteindre cet objectif sans auparavant baliser la route de la reconquête de la confiance, les discours n’y suffiraient pas pourtant et les petits comportements égoïstes en dissuadent.

     Léon Razafitrimo