Marc Ravalomanana a du mal à faire son deuil de deux évènements successifs ayant éprouvé personnellement son affect : avoir perdu son « trône » et avant même de s’en être consolé, rebelote perdre tout espoir de revenir aux affaires. On peut imaginer son désarroi et on peut comprendre la tristesse révoltée de ses partisans. Le temps, à ce qu’il parait, cicatrise les plaies même les plus brûlantes. C’est que  la nature a ses lois, hors de celles-ci, avec tous les maux qui peuplent la planète la vie cesserait autrement d’être ce qu’elle est. Le destin qui affecte un homme ne peut indéfiniment prendre en otage le sort de tout un peuple. En l’espèce s’agissant de rivalités politiques sous-tendant la marche des affaires publiques, il va de soi que les malheurs qui frappent un côté ne s’accompagnent pas de condoléances mêmes hypocrites exprimées par le côté en face. La population a cessé d’en faire un drame, le spectacle du feuilleton retient tout juste une attention secondaire. Le seul sujet qui le préoccupe concerne la solution pour sortir de la crise. Actuellement les faiseurs d’opinion sont parvenus à convaincre le bon peuple que les élections représentent cette Solution avec un grand « S », et bien va pour les élections. Sans se faire plus d’illusions qu’il n’est permis, sans vraiment s’investir pour la réussite de cette entreprise, sans manifestation de grand enthousiasme, les gens misent là-dessus pour sortir de la crise, unique objet de leur préoccupation. 
Dans le fond, l’opinion publique a compris après une kyrielle d’expériences, la vanité de la démocratie telle qu’on la pratique. Seuls les militants s’investissent dans la bataille mais le gros de la troupe que l’on qualifie de « majorité silencieuse » sans être tout à fait indifférent, n’entend pas mouiller la chemise pour que Pierre ou Paul s’en accapare les lauriers et les fruits. Le suffrage n’a de portée pour les spectateurs qu’à désigner les moins pires ou les plus malins, et parfois certains ne consentent à y participer qu’à se mobiliser pour faire barrage à l’un présumé le pire dans un lot de pas bons. Dans la réalité, pris individuellement, malgré tout ce qu’il peut sacrer pour déverser les pires avis sur n’importe quel pouvoir en place, le citoyen de base s’en bat l’œil ou se résigne aux situations de fait : que l’avènement d’un système soit le résultat d’un hold-up sur les résultats d’une consultation populaire, ou la consécration d’un régime constitué sans le cérémonial formaliste de la  tenue d’élection. La communauté internationale exige cette formalité. Le grand public s’est fait une religion sur l’affectation de cette procédure à incarner le sésame pour ouvrir la porte vers une sortie de crise, il  n’est pourtant pas exclu de réaliser à cette occasion un exploit là où on ne l’attendait pas. Ce n’est peut-être pas la première fois que l’on promet une tenue d’élection au-dessus de tout soupçon, mais cette fois-ci les circonstances autorisent à se délester d’un trop-plein de scepticisme, puisque les responsables à tous niveaux et dans tous les secteurs redoublent d’efforts dans la préparation de l’organisation avec des précautions sérieuses pour en donner une fiabilité avec en objectif le mérite d’une mention sinon honorable tout au moins passable.


Léon Razafitrimo